Pollutions en mer Méditerranée : ''un point de non-retour à l'échéance 2030'' Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
Écrit par Sophie   



Article Actu-Environnement du 24 juin 2011
par Rachida Boughriet
Pollutions en mer Méditerranée : ''un point de non-retour à l'échéance 2030''


Déchets plastiques et médicamenteux, urbanisation, pollutions agricoles et rejets d’hydrocarbures sont autant de sources de pollutions qui s'accroissent, alerte un rapport parlementaire qui fait 10 propositions pour enrayer la tendance d'ici 2030.

''La Méditerranée est dans une situation préoccupante. La communauté internationale doit réagir" pour enrayer la pollution sur tout le bassin à l'horizon 2030, a déclaré le sénateur PS de l'Aude Roland Courteau, en présentant mercredi 22 juin un rapport sur le sujet à la demande de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST). Pendant 18 mois, le rapporteur a auditionné deux cents scientifiques français et étrangers et visité plusieurs pays riverains du bassin (Grèce,Turquie, Malte, Tunisie, Libye..). La mer Méditerranée est ''un réservoir en matière de biodiversité'' qui abrite 7 à 8 % des espèces marines connues (12.000 espèces) pour ''seulement 0,3% du volume des eaux'' de la planète, a rappelé le rapporteur.

Mais de fortes pressions environnementales continuent de peser sur la Méditerranée qui fait face à plusieurs sources de pollution qui s'accroissent. Or cette mer ''semi-fermée met un siècle à se renouveler'' et ''concentre ces polluants'', a alerté devant la presse Roland Courteau. Des polluants qui ''s'attaquent aux biotopes'' et continuent de proliférer surtout dans les rives sud. D'autant que ''plus de 80 % de la pollution maritime en Méditerranée provient des terres''.

Des PCB, POP ou métaux lourds…

Aux dégazages des navires et rejets d'hydrocarbures ''volontaires'' (de l'ordre de 100.000 à 200.000 tonnes par an) s'ajoutent les rejets chimiques industriels et/ou agricoles ''toxiques'' comme les pesticides, les relargages des polychlorobiphényles (PCB) ou des polluants organiques persistants (POP) dont le dichloro-diphényl-trichloréthane (DDT) interdit depuis 1972 par l'OMS. Ceux-ci persistent dans l'environnement marin, ''s'y lyophilisent, facilitant leur transmission dans la chaîne alimentaire''. Sans oublier les pollutions aux nitrates et phosphates qui sévissent dans les rives sud liées à un manque de services de retraitement des eaux. Sachant que 44% des villes de plus de 10.000 habitants des pays de la zone sud n'ont toujours pas de réseaux d'épuration contre 11 % sur la rive nord… S'y ajoutent également les métaux lourds (zinc, césium, mercure, plomb, cadmium chrome, nickel ou cuivre) ''hérités du passé industriel'', déposés dans les sédiments des fleuves (comme le Rhône, l'Ebre ou le Pô en rive nord), avant d'être rejetés en mer. ''L'Albanie avec des sites où l'on retrouve 60 g de mercure par litre d'eau de mer est un cas d'école'', souligne le rapport.

… aux macrodéchets

Sans oublier les plastiques parmi les macrodéchets. Ces débris de l'ordre de 300µm (micromètres) en Méditerranée fixent les polluants persistants et les transmettent à la chaîne alimentaire par l'intermédiaire du phytoplancton. Les plastiques ''qui représentent 60 à 80% des déchets en mer'' véhiculent les ''espèces invasives'' et sont sources d"occlusions intestinales chez les espèces marines qui les ingèrent. Les déchets plastiques dont ''la densité est de 70 pièces au km2'' accélèrent la polymérisation de la mer Méditerranée. ''Les plastiques se dégradent en fragments de plus en plus petits et fixent les polluants'', déplore Roland Courteau tout en pointant du doigt ladite biodégradabilité des sacs plastiques qui est ''estimée seulement à 30%''.

A tous ces contaminants déjà connus s'ajoutent les pollutions ''dites émergentes'' en provenance des produits cosmétiques et pharmaceutiques. Ces polluants sont transférés vers la mer par les eaux usées comme les antibiotiques, les anticancéreux ''qui peuvent être mutagènes et reprotoxiques'' ou les contraceptifs, perturbateurs endocriniens, dont la consommation augmente. Le sénateur s'inquiète aussi de l'impact des crèmes solaires (composées notamment de nano-titanes) utilisées sur les plages en cette période estivale venant contaminer le bassin méditerranéen qui attire 275 millions de visiteurs par an. Le tourisme engendrant une pression supplémentaire sur la pollution.

Sans parler de la pression de la pêche (chalutage, surpêche du thon, aquaculture), du transport maritime et de l'urbanisation accrue du littoral, la population des pays riverains ayant fortement progressé de 50% en 30 ans surtout sur les rives est et sud entre 1970 et 2000. Elle est passée de 285 millions d'habitants à 427 millions. Or, cette pression démographique est appelée à croître encore, d'ici 2025, de plus de 41% sur la rive sud et constitue une menace. Aux côtés du changement climatique -''plus marqué en zone sud''- et ses impacts sur l'acidification de la mer ''dont la température et la salinité ont augmenté". ''D'ici à 2030, ce phénomène se poursuivra'', affirme le rapporteur.

Un problème de gouvernance politique

''La conjugaison pollution/changement climatique reste inquiétante'', prévient le rapporteur d'autant que la gestion politique de la lutte anti-pollution en Méditerranée est ''dispersée''. La raison ? Le Plan d'action Méditerranée (PAM) créé en 1976 dans le cadre de la Convention de Barcelone est inégalement assuré par les 21 Etats riverains. Le bilan du PAM est ''en demi-teinte'' car les ''Etats ne mettent pas en oeuvre les accords qu'ils ont ratifiés''. De son côté, l'Union européenne ne peut intervenir qu'auprès de ses Etats membres. L'Union pour la Méditerranée (UPM) lancée en juillet 2008, bute quant à elle ''sur le problème des territoires occupés par Israël'' et est actuellement "encalminée''. ''Il n'y a pas eu de réunions des chefs d'Etat depuis mi 2010 '', rappelle M. Courteau. Et le printemps arabe risque de repousser encore les objectifs fixés par l'UPM. Les projets de recherche communs dans le domaine de la pollution des milieux marins sont aussi ''rares''.

Dix propositions

''Ce rapport est un cri d'alarme avant qu'il ne soit trop tard. Il est juste temps d'agir'', avant de franchir ''un point de non-retour en 2030'', a averti Roland Courteau. Face à ce constat, le rapport fait 10 propositions pour inverser la tendance. Parmi elles, l'unification de la gouvernance en Méditerranée, via la création d'une agence de protection environnementale et du développement durable au sein de l'UPM ''où les décisions seraient prises non plus à l'unanimité mais à la majorité qualifiée afin d'éviter les blocages".

Le sénateur appelle également à accélérer les recherches sur les risques de polymérisation de la mer, sur les conséquences du changement climatique ou sur la façon dont les stations d'épuration filtrent les polluants émergents. Il demande aussi d'harmoniser les sanctions en cas de rejets illicites d'hydrocarbures, de renforcer le contrôle par satellite des navires et des plateformes d'exploitation pétrolières ''à risque'' (une soixantaine en exploitation) présentes sur la rive sud, ou encore de mettre en œuvre un plan de nettoyage des zones de sédiments polluées. Il recommande en outre de traiter les stocks de pesticides dans les pays du sud et invite ces Etats à se doter d'une législation et de filières de recyclage de DEEE pour prévenir les rejets de portables, d'ordinateurs…

Le sénateur appelle aussi à accroître la création des aires marines protégées dont ''seulement 24 sont dénombrées sur l'ensemble du bassin méditerranéen''. Certaines ne sont pas dotées de véritables moyens de gestion et s'avèrent inefficaces. En France, deux nouveaux parcs naturels marins (Côte Vermeille et Calanques) sont en voie de création et viendront s'ajouter au parc de Porquerolles, s'est félicité le sénateur. Ce dernier va présenter cet automne son rapport, notamment devant les ministères français concernés et le commissaire européen à l'environnement.



Dernière mise à jour : ( 29-06-2011 )
 
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